le silence du souffle
Il y a un espace à l'intérieur de soi où tout se tait. Il y a un espace à l'intérieur de soi où le corps n'existe plus, les insécurités ne pèsent plus, les pensées s'estompent. Il reste alors le va-et-vient du souffle et son silence.
Le silence du souffle, l'as-tu déjà entendu ?
C'est un silence particulier, un silence lent et profond, empreint d'un écho sourd. Il y a dans le silence du souffle tellement de grâce et de loyauté, une forme de dévotion rare, dénuée d'attentes, une certaine évidence. C'est un silence qui rappelle, un silence qui ramène, un retour à l'essentiel. C'est un silence qui créé quand il vient et détruit quand il s'en vient, il ne laisse pas de traces. C'est un silence que tu pourrais presque toucher, presque palper, tu peux le sentir parfois glisser juste là entre les dernières phalanges de ton pouce et de ton index. C'est un silence si plein de tout, de tout ce qui compte, de cette lumière chargée de vie.
Le silence n'est jamais ce qu'il parait, jamais vraiment, la plupart des gens ne l'entendent pas, ne font pas attention, ils passent devant lui comme s'il n'existait pas. Un peu comme cette vieille femme qui ne dit jamais rien, reste toujours dans son coin, mais si tu prends le temps, si tu en as le courage, si tu lui fais face, tu verras dans son regard, tu recevras du regard qu'elle portera sur toi, tout l'amour de l'univers.
Pour entendre le silence du souffle, il faut être patient, l'apprivoiser. Il faut généralement commencer par le corps, trouver une position confortable et tout doucement le laisser s'immobiliser. Laisser la gravité prendre possession, laisser ta matière revenir à la terre, et ressentir que la séparation n'était qu'illusion, une jolie histoire. Puis dans l'immobilité du corps, ouvrir la porte de son intérieur, s'autoriser à ne plus avoir peur, regarder ce qu'il y a là, en soi, les belles choses, les très belles choses, les moins belles, les choses qu'on ne voit pas, celles qui se cachent dans l'ombre, les boîtes qu'on n'a jamais ouvertes, celles qu'on ne veut surtout pas ouvrir, et puis celles qu'on retient de toutes ses forces pour ne pas les voir partir.
Recevoir tout ça, tout ce qui est là, sans résister, sans réagir, sans juger. Recevoir tout ça, tout ce qui est là, tel que c'est. Réaliser que si tu peux les recevoir, si tu peux les voir, les observer, alors toutes ces choses ne te définissent pas, elles ne sont pas toi.
Je crois que pour certains, rejoindre cet espace, habiter cet espace, comprendre que c'est là qu'est la vérité, que le reste n'est que la surface, une illusion, un voile de fumée, je crois que pour certains, c'est inné, ils savent, ils ont toujours su. Pour d'autres, c'est un périple, un voyage, une longue marche sur un chemin sinueux et escarpé. Et puis il y a la majorité, ceux qui se contentent de survivre, de passer à travers, au travers de la vie, sans jamais chercher, sans jamais vouloir voir, sans savoir ; ils reçoivent les mêmes signes que les autres, les mêmes messages mais ils ne les ouvrent pas, ils laissent les notifications s'empiler dans leurs tissus, leurs articulations et leurs organes ; ils s'occupent, ils ne font que s'occuper, ils se distraient pour ne pas confronter, ils oublient de s'ennuyer. L'ennui est un cadeau. Qu'y-a-t'il de plus merveilleux que l'ennui. C'est seulement dans l'ennui que l'on peut entendre le silence du souffle.
Je t'écris de mon ennui, je t'écris de l'espace en moi où tout se tait, et d'où je suis, je ne vois que de l'amour, j'espère que tu liras cette lettre de ton ennui aussi.